2 mars 1919 (Journal l'Eclaireur de l'Est)

         Actes de courage et de dévouement du personnel civil, M. Baronnet, intituteur, et Mlle Pierrard, institutrice, ont reçus les félicitations de M. le ministre de l'instruction publique.

 

Samedi 14 juin 1919 (Journal l'Eclaireur de l'Est)

          Explosion d'un dépôt de grenades. Un dépôt de granades situé sur le territoire de Ludes, a fait explosion avant-hier. Les détonations ont persisté pendant de longues heures. Ce dépôt était placé sous des tôles ondulées. On suppose que l'explosion s'est produite sous l'action de la chaleur. Il n'y a pas eu d'accident à déplorer.

 

1er juillet 1919

          Remise en service de la ligne CBR Ludes-Reims pour voyageur. La ligne pour les marchandises est en service depuis le 19 avril dernier. Il fallait une heure de trajet pour rejoindre Reims en CBR. Les départs étaient fixés à 9h50 et 19h35. Pour les retours, les départs de Reims Promenades étaient 5h28 ou 15h13.

 

25 juillet 1919

 

Par décret et sur la proposition de M. le Ministre de la Guerre,

 

Mlle Marie-Antoinette CHIRY, infirmière aux ambulances de Ludes et Châlons-sur-Vesle reçoit la croix de guerre à l’ordre du régiment.

 

 

31 août 1919 (Journal l'Eclaireur de l'Est)

          Deux cyclistes renversés. Un accident s'est produit avant-hier soir à l'angle de la place d'Erlon et du boulevard de la République. A cet endroit très fréquenté, M. Jupin Victor, vigneron à Ludes et Mme Lux demeurant à Reims, suivaient à bicyclette un tombereau qui leur cachait la vue d'un camion automobile venant vers eux. Le tombereau s'étant déplacé pour éviter un enfoncement de la chaussée, les deux cyclistes se jetèrent contre le camion. Ils furent précipités à terre. M. Jupin, qui n'était pas gravement atteint fut soigné à la pharmacie Charlier. Il est légèrement contusionné aux jambes. Mme Lux, plus sérieusement atteinte, fut transportée à l'hôpital civil. M. Jupin fut conduit à son domicile par le chauffer Leduc, auteur involontaire de l'accident.

 

28 avril 1920 – Journal : L’Indépendant Rémois

Affaire de mœurs. Une affaire de mœurs très grave s’est produite à Ludes. La gendarmerie a ouvert une enquête qui, probablement, amènera une arrestation. Nous ne dirons rien de plus sur cette affaire pour ne pas entraver l’action de la justice.

 

28 mai 1920

Le Courrier de la Champagne

Un grave accident s'est produit hier après-midi, vers quatre heures, près de la place Godinot. Un cycliste, venant de la rue Saint-Just, M. Alfred Motet, âgé de 35 ans, entrepreneur de maçonnerie, demeurant 1, rue Desprez, vint se jeter dans la camionnette automobile conduite par le chauffeur Adolphe Duchêne, demeurant à Ludes, venant de la rue du Barbàtre. Lorsqu'il aperçut le cycliste, M. Duchène donna un violent coup de volant à droite, venant briser en partie sa machine contre les maisons de la rue de l'Université. Mais il était trop tard, et M. Motet, roula sous le véhicule. Les témoins de cette rapide scène se portèrent au secours de la victime de l'accident qui gisait le crâne fracturé et les jambes brisées. Un camion automobile de l'entreprise Primois et Compert qui passait à ce moment, emmena le blessé à l'Hôpital, où il est en traitement. M. Duchêne se mit spontanément à position de la police, qui enquête à ce sujet.

 

24 juillet 1920 – Journal : L’Eclaireur de l’Est

Le dimanche 25 juillet à 21h30, un grand bal est organisé sur la place de la République au profit du monument aux morts. Droit d’entrée : 1F50 par personne.

 

15 août 1920

Par décret, Alexandre SAGUET est nommé au grade de lieutenant dans le corps des sapeurs-pompiers de Ludes.

 

11 novembre 1920 – Journal : L’Eclaireur de l’Est

M. Quatresols-Sohet a eu la désagréable surprise, mercredi dernier, en arrivant aux champs, lieudit les Hermisseaux, route de Ludes à Puisieulx, de constater la disparition d’un traîneau en fer pour brabant. Prière de le ramener à la même place, sinon plainte sera portée contre le délinquant.

 

24 novembre 1920 - Journal : L’Eclaireur de l’Est

Obsèques d’un brave – Le jeudi 18 novembre, avait lieu dans notre commune une bien pénible et émouvante cérémonie, à laquelle assistaient la presque totalité de la population ludéenne et de nombreuses personnes des communes voisines : c’était le retour du corps du brave Hector Quatresols, soldat au 82e régiment d’infanterie, décoré de la Croix de Guerre, objet de deux citations très élogieuses pour sa belle conduite pendant la guerre, tué le 20 juillet 1918 dans la forêt de Belval-sous-Châtillon.

 

L’église pouvait à peine contenir la nombreuse assistance qui se pressait au service religieux. Les honneurs militaires étaient rendus par la subdivision des sapeurs-pompiers. Le Conseil municipal, les Sociétés locales, les Mutilés et Combattants, les enfants des écoles précédaient le cercueil qui disparaissait sous les couronnes et les gerbes de fleurs.

 

Au cimetière, deux discours furent prononcés, l’un par M. Baronnet, instituteur, au nom des élèves et anciens élèves de l’école, l’autre par un démobilisé, M. Gabriel Beuzart, au nom des Mutilés et Combattants.

 

En 1921, des cours post-scolaires existaient pour les adultes.

 

15 février 1921 – Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire

Inhumation de André AVENTURIER, soldat au 300° régiment territorial, mort pour la France à Ludes, le 20 octobre 1915, à l’âge de 43 ans, par les gaz asphyxiants.

 

 

3 mars 1921

         La commune reçoit par le CBR :

         12 tonnes de briquettes de lignite

         2,5 tonnes de houille

         1,5 tonne de boulets

pour le chauffage des bâtiments communaux.

 

14 au 15 juin 1921

Le Courrier de la Champagne - Encore un clapier visité

Dans la nuit, un inconnu a visité le clapier de M. Thoumy, et a dérobé 5 beaux lapins, valant ensemble 150 francs environ. On suppose que le vol a été commis vers 10 heures, parce qu'à ce moment le chien a aboyé. M. Thoumy n'y prit pas garde, croyant que son chien aboyait après un passant. La gendarmerie de Reims a ouvert une enquête

 

26 juin 1921

          Le Courrier de la Champagne. Fête patronale à Ludes : de nombreux forains s'installent : chevaux de bois, balançoires, manèges de chaises tournantes, tirs, confiseries ... Le programme de la fête sera particulièrement attrayant cette année, grâce à l'obligeant concours de la fanfare de Chigny les Roses et de la société de gymnastique "Le Progrès" de Verzenay.

 

1er juillet 1921

          Situation de la commune par rapport à 1914

 

- 20 maisons détruites et 30 immeubles réparables

 

- école 1914 : 45 garçons, 45 filles, 50 enfants classe enfantine

           1921 : 38 garçons, 40 filles, 35 enfants classe enfantine

 

- 1914 : 700 ha agricole et viticole exploités

  1921 : 600 ha, la différence étant détruite par les obus et les tranchées.

 

- 2 briqueteries et 2 tuileries avant la guerre, en 1921 les deux tuileries sont en voie de reconstitution.

 

- en 1914 il y avait 7 débits de boissons, en 1921 il en reste 5.

 

21 octobre 1922

         La Croix de Guerre sera remise à la commune de Ludes le 29 octobre 1922 par le Ministre de la Guerre. Le Maire Edmond Canard sera accompagné par une jeune fille du village, Mlle Reine Thoumy.

         Le conseil décide à l’unanimité, la construction de la salle des fêtes (rue du Préau).

         Le monument aux morts, sculpture de Luigi BETTI, a été érigé en 1922.

 

29 octobre 1922

         Cérémonie de la remise de la Croix de Guerre à la commune de Ludes, sous la présidence de Monsieur le Ministre de la Guerre, Mademoiselle Reine THOUMY accompagne le Maire.

 

15 février 1923

         Le conseil appuie une demande pour le prix Cognac-Jay en faveur de Mr Adonis PETIT-JOBART, âgé de 45 ans et père de 12 enfants.

 

8 juillet 1923

         Inauguration du monument aux morts.

         Il aura coûté au total 13975 francs

         (coût du monument : 11000 fr + arbustes 1500 fr + inauguration 1475 fr)

 

L'Eclaireur de l'Est : les cérémonies du souvenir (Edition du lundi 9 juillet 1923)

 

Ludes à ses enfants morts pour la France.

 

 

Ludes se devait de faire les choses avec largesse, et le coquet village était, à l'occasion de l'inauguration du monument élevé à la mémoire des morts de la guerre, paré avec profusion, avec munificence : partout, à travers les rues, courant le long des murailles, ce n'était que drapeaux, ce n'était que guirlandes.

Journée de deuil, mais aussi de réconfort puisqu'il va être rendu hommage - on verra en quels excellents termes, avec quels touchants accents - à la vaillance, à l'esprit d'abnégation de près de quarante enfants du pays tombés au champ d'honneur et dont la dépouille d'une douzaine à peine a pu " réintégrer " la terre natale…

" Journée de fête et de glorification ", ainsi que - toujours bien inspiré - l'a souligné le dévoué sénateur, président du conseil général, M. Monfeuillart, et à laquelle les élus, l'autorité militaire, la population - toute la population - a voulu participer en apportant ses trophées, ses banderoles à ce décor d'apothéose…

 

Un peu après 15 h, le cortège part de la cour de la mairie - où sociétés locales, enfants des écoles sous la direction de M. Baronnet, directeur ; Melle Pierrard, directrice; Melle G. Baronnet, institutrice, conseillers municipaux, etc… se sont groupés - et se dirige vers la gare; à 600 mètres de l'agglomération, route de Mailly, sur les Jonvelles, s'élève le monument grandiose, imposant: un poilu taillé dans un bloc de pierre, le fusil à la main se dresse campé sur un socle de deux mètres de haut, dans une attitude de résolue défensive. On accède au pied du monument, qui s'élève à quelques mètres, par deux escaliers; le terrain qui les sépare a été transformé en véritable parterre dont les fleurs dessinent un drapeau tricolore au-dessous duquel sont tracées, toujours avec des roses, les lettres R.F.

Face au monument, de l'autre côté de la route, a été installé une estrade spacieuse, que recouvre une épaisse toile et où sont disposées les chaises qu'occupent les invités et les personnalités officielles: M. Monfeuillart préside entouré de M. Haudos et du général Mordrelle.

Les sociétés locales - sapeurs-pompiers (lieutenant André Saguet), fanfare municipale (directeur M. Victor Noir), section autonome de l'Association générale des mutilés (président M. Salomon), société de tir et de préparation militaire (M. Alexandre Henri, vice-président remplaçant M. Canard, maire, président), société de secours mutuels (président M. Canard Alfred, ancien maire), fillettes et garçons des écoles, le chœur de jeunes filles, dirigé par Melle G. Baronnet et Melle Derobert - se sont rangés autour du monument, ainsi que les jeunes écoliers et écolières: Girot Alexandre (orphelin de guerre), Vely Henri, Pierre Rulland, Marguerite Coquot, dont les chants et récitations alternent avec les discours.

Le voile blanc qui recouvre la pierre de Chavigny est enlevé; des fleurs, sont, de toute part, déposées; des poilus ludéens, permissionnaires pour la circonstance, les enfants des écoles, des parents, des amis, apportent leur bouquet qui encadrent, autour du socle, la palme de bronze offerte par les habitants, et apportée par un médaillé militaire, Joseph Corbon, et la palme-couronne de la section des mutilés.

L'Appel des Morts

 

M. Monfeuillart ouvre la cérémonie:

"Je prie M. le lieutenant Noël, de procéder à l'Appel des Morts."

Et l'officier de complément, un ludéen, sous-lieutenant au 140e Régiment d'Infanterie, donne lecture des noms. Après chacun de ces noms, un grand mutilé, Albert Quatresols, répond "Mort pour la France!".

 

Discours de M. Canard

 

M. le maire prend ensuite la parole ; d'une voix où perce la plus vive émotion, s'exprime ainsi:

"Mesdames, Messieurs,

Au nom du conseil municipal je remets à la population ludéenne le monument élevé à la mémoire des trente-neuf enfants de notre commune morts pour la France et de trois de nos compatriotes également victimes de la guerre ; je le confie à la protection et à la sauvegarde de tous.

Cette belle œuvre d'art est due à la souscription des habitants et de quelques donateurs étrangers à la commune, parmi lesquels je citerai Mme Veuve Louise Pommery. A tous les généreux donateurs, la municipalité adresse ses plus chaleureux remerciements, ainsi qu'à MM. Ernest Chéard et Victor Roze, qui nous ont gracieusement offert un emplacement si bien choisi.

Nous sommes heureux de rendre un public hommage à M. Luigi Betti, chevalier de la Légion d'Honneur, l'éminent artiste, auteur de notre "Poilu" si bien campé, dans sa grâce allégorique et locale, faisant face à la Pompelle, au secteur de Reims et du Cornillet. Dans le lointain émergent les forts de Nogent et de Berru et sa vue embrasse ce coin du vaste champ de bataille, témoin d'une opiniâtre résistance, où quelques-uns des nôtres sont tombés. Sur ce tertre, ayant pour fond la montagne et la forêt, au milieu de nos vignes, encadré d'un jardinet fleuri, il se dresse fièrement dans une attitude toute de vaillance et de mâle énergie. Tenant d'une main son fusil, de l'autre protégeant nos ceps, il semble crier bien fort aux ennemis: "Vous ne les aurez pas…nos vignes!". Et ce geste héroïque est bien celui qu'ont eu nos Poilus tombés en défendant le sol sacré de la Patrie.

Nos remerciements vont aussi à M. de Morinerie et à M. Bayard qui ont dirigés de leurs conseils expérimentés pour l'installation du monument et pour l'aménagement du terrain destiné à lui donner un cadre en harmonie avec sa sévère beauté.

J'adresse l'expression de ma plus vive gratitude à toute la population qui a rivalisé d'entrain et de bonne volonté dans la décoration de notre coquet village, témoignant ainsi de son admiration et sa reconnaissance envers nos glorieux morts en même temps que son respect et sa sympathie envers nos hôtes de ce jour.

Je ne puis passer sous silence, dut sa modestie en souffrir, le dévouement de M. Derobert, lequel s'est dépensé sans compter pour organiser et diriger les bonnes volontés qui se sont offertes de toutes part.

Merci également à toutes les sociétés locales: sapeurs-pompiers, fanfare municipale, société de tir et de gymnastique, société de secours mutuel, section des mutilés, anciens combattants, au dévouement desquelles on ne fait jamais appel en vain et toujours présentes lorsqu'il y a un devoir à accomplir. Un cordial merci aux charmantes jeunes filles, aux enfants des écoles, fillettes et garçons, à leurs maîtresses et leur maître, qui tous, ont travaillé avec le plus louable empressement à la décoration du village et dont les récitations et chants contribueront à la bonne réussite de la manifestation patriotique de ce jour.

Je souhaite au nom de tous la plus cordiale bienvenue à nos hôtes: à M. le Général Mordrelle, commandant notre vaillant 6e Corps, gardien vigilant de la frontière qui a bien voulu nous faire le très grand honneur d'accepter notre invitation en souvenir de son passage dans notre secteur en 1918, et qui a témoigné toute sa bienveillance à notre population au moment si tragique de l'évacuation ; à nos sympathiques et dévoués représentants au Parlement: MM. Montfeuillart, sénateur, et Haudos, député, qui ont su trouver malgré leur lourde tâche, le moyen de nous consacrer cette journée et de venir apporter aux familles douloureusement frappées par la guerre le réconfort de leur présence et de leur éloquente parole ; MM. Chappaz, conseiller général, ami et conseiller de nos viticulteurs, et Philbert, conseiller d'arrondissement ; à MM. les maires adjoints et conseillers communaux des communes voisines ; M. le capitaine de gendarmerie Agostini; M. Rossignol, juge au tribunal civil de Reims ; M. Lépine, inspecteur primaire de la deuxième circonscription de Reims ; M. Georges Aubert, commandant du bataillon de sapeurs-pompiers de Reims ; M. Marcel Antoine, juge de paix ; M. Mazar, agent voyer ; M. Gaunel, percepteur ; MM. les docteurs Audoucet et Grimbert, et à tous ceux qui ont bien voulu répondre à notre invitation.

J'ai le devoir de présenter les excuses de M. le préfet qui devait être représenté à cette cérémonie par M. Mennecier, notre sympathique et dévoué sous-préfet. M. Mennecier obligé de se rendre pour la même circonstance à Trépail, a bien voulu atténuer les regrets que nous cause son absence en nous laissant sa charmante dame à qui s'adresse au nom de tous nos plus respectueux hommages.

Se sont excusés retenus pour des engagements de santé ou par d'autres engagements: MM. Léon Bourgeois et Merlin, sénateurs ; Poittevin, Forgeot et Lobet, députés ainsi que M. Marchandeau, qui nous a envoyé cependant un de ses collaborateurs.

Nous regrettons aussi l'absence de nos bons amis si dévoués: MM. Camille Lenoir, député, et Alfred Remy, conseiller général, retenus par la maladie et à qui nous souhaitons un prompt et complet rétablissement.

Nous sommes réunis en ce jour, précise M. le maire, pour rendre un hommage solennel à nos glorieux enfants de Ludes morts au champ d'honneur, pour adresser à leurs familles l'expression de notre profonde reconnaissance, de nos sincères et unanimes regrets.

Si nous nous reportons par la pensée à cette tragique journée du 2 août 1914, où la Patrie menacée appelait à elle ses défenseurs, nous revivons le départ de plus d'une centaine de mobilisés de tout âge et de toute condition, que la brutale provocation du sanguinaire "Seigneur de la Guerre" arrachait à leur famille, à leur tranquille et paisible occupation, et qui bravement, sans aucune forfanterie rentraient dans les cadres et rejoignaient leurs frères d'armes plus jeunes sous les drapeaux: trente-neuf de ces braves marqués par le fatal destin ne devaient plus revoir ni leur famille, ni leur village ; ils tombaient à tour de rôle pendant les cinquante mois que dura l'effroyable tourmente sur les différents points du vaste théâtre de la guerre.

A vous tous qui avez vécu si près du front pendant ces quatre années terribles, je n'ai  rien à apprendre sur les souffrances qu'ils ont endurés avant de faire à la Patrie le sacrifice héroïque de leur vie.

Tous, nous avons vu revenir des tranchées nos admirables Poilus couverts de poussière ou de boue, n'ayant presque plus rien d'humain dans leur tenue après leur séjour dans le cloaque où ils se terraient durant l'intervalle des combats. Et pourtant ils trouvaient le courage de plaisanter, leur moral restait excellent ayant toujours confiance dans les destinées de la Patrie: "On les aura!" disaient-ils avec une entière conviction."

M. Canard termine ainsi:

"Chers et regrettés camarades, vous avez été avec nous et plus que nous les meilleurs artisans de la victoire, mais vous n'en avez pas, comme nous, savourés les joies. Vous êtes tombés pour la sainte cause, avant que nous ayons la certitude du succès final. Si vos âmes immortelles reviennent flotter parfois autour de nous et qu'elles soient en communion en ce jour avec les nôtres où nous glorifions votre mémoire, laissez-moi vous dire bien haut que si nous les avons eus, c'est surtout grâce à votre généreux sacrifice.

Aussi nous sommes et resterons fiers de vous qui avez sauvé la Patrie, qui avez payé de votre vie les libertés de la France et du monde entier, et vous, pères et mères éplorés, qui avez perdu le soutien de votre vieillesse ; épouses si cruellement meurtries, qui n'avez plus votre appui, qui restez seules pour élever vos enfants et soutenir une lutte si dure pour l'existence ; frères et sœurs frappés par la perte des compagnons de votre jeunesse ; petits orphelins privés à jamais des caresses paternelles, de la protection de celui qui aurait été votre exemple et votre meilleur guide dans la vie, recevez nos biens sincères consolations avec le témoignage de notre profonde admiration et de notre immense gratitude envers ceux que vous pleurez, avec l'assurance que leur sacrifice, noble et grandiose, ne sera pas inutile.

Tous, nous saluons bien bas la mémoire de vos chers martyrs. Leurs noms sont gravés pour toujours. Morts pour la France ils sont devenus immortels.

 

 

Discours de M. Salomon

 

Le président de la section des mutilés déclare tout d'abord qu'appelé à déposer devant ce pieux chef-d'œuvre de notre sculpture moderne la modeste palme offerte à nos glorieux morts par leurs camarades mutilés, son émotion est d'autant plus vive qu'il s'agit ici de rendre un suprême hommage à des habitants de cette commune que nous avons plus particulièrement connus, dont les visages familiers passent en ce moment, comme un funèbre défilé dans notre souvenir…

L'orateur cite Victor Hugo: « Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents ».

« Qu'aux accents prophétiques de l'immortelle lyre du poète se joigne la voix qui tant de fois appela à des justes combats ces héros sublimes d'une sublime épopée, clairons, sonnez aux champs ».

 

 

Discours de M. Philbert

 

L'actif conseiller d'arrondissement a été chargé de présenter les vifs regrets de M. Remy, conseiller général, "à qui son état de santé n'a pas permis de prendre part à cette cérémonie". En son nom, il adresse l'hommage respectueux des populations du canton de Verzy aux enfants de Ludes "morts pour la Patrie".

Le président du Syndicat général des vignerons de la champagne viticole délimitée, remercie M. le maire et son conseil municipal de lui avoir de lui avoir permis d'apporter à son tour aux Ludéens tombés pour la défense de la Patrie, le témoignage de sa profonde gratitude.

L'orateur ne veut pas rappeler les détails de la "lutte effroyable". Il tient à associer à l'hommage rendu les autres habitants du canton qui, eux aussi, ont été éprouvés et pleurent sur leurs deuils: il exprime aux enfants, aux familles, ses profonds regrets et sa sympathie la plus vive:

"Le Poilu défendant la vigne rappellera à ceux qui nous succéderont qu'au jour du danger, les braves dont les noms sont gravés sur cette pierre, se sont sacrifiés héroïquement pour sauver la France et rayer de l'Histoire la honte de 1870."

M. Philbert, qui s'exprime avec force, avec vigueur, nous exhorte à travailler avec ténacité pour l'établissement de la paix durable qui seule peut assurer notre relèvement, la grandeur de la France et de la République.

 

 

Discours du général Mordrelle

 

Commandant actuellement le 6e Corps d'Armée à Metz, le général Mordrelle a accepté, avec empressement, l'invitation de M. le maire et de la municipalité; il se retrouve au milieu de cette vaillante et sympathique population avec laquelle il a vécu en 1918, des journées si graves et même parfois si critiques.

L'orateur rappelle divers péripéties des combats de 1917, 1918. A des camarades qui lui demandaient le secret de notre tactique, il répondait: "Mes marsouins ont des fusils qui partent dans tous les sens et qui démolissent l'ennemi où qu'il se trouve".

Officiers et soldats ont gardé le meilleur souvenir de tous les habitants de Ludes et en particuliers de Mme Petit, qui fut le bon génie de toutes les troupes qui ont combattu sur ce territoire.

"C'est de votre petite ville, rappelle le général, que je suis partie le 6 octobre à la poursuite de l'ennemi ; les vœux des vignerons m'ont accompagnés jusqu'aux abords de Charleville. Je salue, conclut l'orateur, les enfants de Ludes tombés au champ d'honneur, que leur glorieux exemple nous incite à crier toujours : Vive la France!".

 

 

Discours de M. Haudos

 

M. Haudos se lève à son tour. Le député de la Marne, dont la voix porte bien au-delà de tribune et dont on écoute les belles paroles, avec l'attention la plus soutenue, regrette l'absence de notre ami Lenoir, le député si dévoué et si estimé que la maladie retient loin de nous, M. Haudos déclare:

"Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, mon émotion est à son comble. Elle s'avive à la pensée et à la constatation qu'ici il y a une place vide, que le meilleur d'entre nous, celui que nous entourons de toute notre amitié et de notre affection, et que nous voudrions voir, au pied de ce monument, exprimer simplement ce que lui dicterait son grand cœur, hélas ulcéré, et sa foi patriotique, est retenu éloigné de nous par son état de santé. Je n'excuse pas Camille Lenoir, parce que ce serait indécent. Je lui envoie, en votre nom comme aux nôtres, l'expression de notre fidèle attachement et nos vœux ardents de complet rétablissement.

Peut-être, s'il avait été là, aurait-il dit que, dans des cérémonies comme celle-ci, on parle trop et on ne se recueille pas assez. Et sans doute, aurait-il exprimé une pensée puissante et profonde…"

L'orateur poursuit:

"Nous restons fidèles à la mémoire de nos grands morts, et nous respectons leurs volontés suprêmes, en poursuivant inlassablement le recouvrement de ce qui nous est légitimement dû par ceux qui ont poursuivi sur notre sol des destructions systématiques et inutiles.

Courage, patience et ténacité. L'heure de la Justice réparatrice sonnera. Notre volonté triomphera de la résistance passive et traîtresse du Boche. Grâce à notre calme, à notre dignité, à la force que donnent à la France ses nobles traditions et le sacrifice de ses enfants, nous triompherons dans la lutte économique, qui précède la lutte définitive…

Et quand, nous aurons obtenu, avec la garantie de notre sécurité et de notre dignité, la satisfaction de nos droits essentiels, nous pourrons être assurés d'avoir respecté la volonté de ceux que nous pleurons et que nous glorifions. Et nous reviendrons nous incliner devant ce monument de leur souvenir, l'esprit tranquille et le cœur apaisé.

 

 

Discours de M. Monfeuillart

 

Le si sympathique sénateur débute ainsi:

"Mesdames, Messieurs,

Ce m'est un grand honneur que d'être associé au pieu et touchant hommage que Ludes le Coquet rend aujourd'hui à ses chers et glorieux morts, à ceux que leur sacrifice magnifique a inscrit parmi les libérateurs immortels de la Patrie.

Dans le village ami auquel me rattachent tant de souvenirs déjà lointains de ma vie publique, en cette journée consacrée à l'exaltation de nos héros, devant le monument qui restera le témoin de votre reconnaissance infinie, je ne puis me défendre d'une vive émotion. C'est de tout cœur, comme un ami, que je participe à cette commémoration qui atteste et attestera, à travers les âges, la fidélité admirable de Ludes au devoir patriotique.

En notre Champagne aimée, si souvent à la peine au cours de l'Histoire, toujours forte et fière dans les épreuves, toujours prête à tout pour que la France reste libre et grande, les dévouements sublimes ne furent pas rares pendant la grande guerre.

Ludes a bien mérité de la Champagne, de notre Marne illustre par deux victoires libératrices, comme de la grande Patrie.

Aux flancs de la Montagne de Reims, où s'étalent les richesses de notre vignoble champenois, objet de la convoitise des Barbares, votre commune vaillante, non loin de la ligne du front, est restée pendant des années sous la menace furieuse de l'ennemi.

D'ici, de la Champagne des coteaux, on pouvait apercevoir la Champagne de la plaine, ma Champagne à moi, qui, au-delà de la ligne de feu grondait sans cesse dans la bataille sous le joug cruel de l'ennemi.

De part et d'autre, dans la douleur commune, courageusement supportée, la foi était commune dans la victoire de la France. Séparées par une terre d'épouvante, où nos poilus, sous les obus et la mitraille, souffraient sans faiblesse et mouraient sans peur, les deux Champagnes étaient unies, sympathiquement par une même confiance, la confiance du bon droit et par l'amour sacré de la Civilisation qu'il fallait sauver des atteintes de la Barbarie.

C'est à cet héroïsme de nos armées et de nos populations que notre pays doit sa victoire.

Recueillons-nous devant le monument de ceux qui ont payé leur victoire de leur sang généreux. Laissons monter de notre cœur à nos lèvres le merci que nous leur devons, nous, mais que leur devrons, non moins que nous, les générations futures."

Et l'orateur ajoute:

"Et vous, leurs parents, qui leur avez donné tant de larmes, et dont la peine ne s'apaisera plus jamais soyez fiers d'eux, et ne pleurez pas aujourd'hui. C'est leur fête, c'est leur glorification : ils revivent dans la gloire et ne mourrons plus. Nous les évoquons ! Ils sont près de nous.

Ils président à cette fête, tout auréolés de gloire, comme les saints de la Patrie qu'ils sont : ils nous parlent. Que nous disent-ils?

Ils nous disent que notre témoignage de reconnaissance, matérialisé par ce monument, serait vain si nous n'y ajoutions pas la reconnaissance morale qu'ils attendent de nous.

Ils sont morts pour que la justice s'accomplisse, contre la nation de proie, pour que les ruines, toutes les ruines de la France héroïque soient réparées, pour que leur patrie redevienne grande, heureuse, prospère, pour qu'il n'y ait plus de guerre.

Ils ont fait leur devoir. A nous, les bénéficiaires de leur incomparable sacrifice de faire le nôtre."

 

Et voici la conclusion de M. Monfeuillart, écoutée avec la plus déférente attention:

"Unissons nos efforts pour que l'Allemagne incorrigible et malhonnête, ne se dérobe plus à ses obligations. D'une volonté forte, exigeons notre dû sans nous laisser troubler par les propagandes calomnieuses et intéressées, dirigés contre nous par les inventeurs des gaz asphyxiants, et trop facilement acceptées par des amis qui devraient nous défendre contre elles.

Unissons nos efforts pour que chez nous aucune atteinte ne soit portée aux droits imprescriptibles de nos pays dévastés.

Unissons nos efforts pour réparer nos ruines, travaillons tous du même cœur à la reconstruction de notre beau département.

Et puis unissons encore nos efforts les plus énergiques pour imposer la paix au monde, pour l'imposer surtout aux peuples turbulents, cupides et cruels.

Unissons nos efforts pour donner la puissance et la pérennité à la Société des Nations présidée par notre éminent compatriote Léon Bourgeois, à qui j'envoie nos vœux les plus affectueux. Unissons nos efforts pour que grâce à la société des Nations, garantie de la paix mondiale, soit à tout jamais écartée la guerre atroce, source de deuils, de ruines et de misères, la guerre démoralisatrice.

Voilà les devoirs que nous dictent impérieusement les grands morts, ceux de Ludes, comme ceux de toute notre Champagne éprouvée, comme ceux de toute la France.

Devant ce monument, promettons leur de faire ce qu'ils nous commandent et tenons notre promesse. C'est ainsi que nous honorerons le mieux leur mémoire.

Je salue de toute mon affection respectueuse les glorieux morts de la commune de Ludes, qui figurent au magnifique tableau d'honneur de la grande famille Française et Républicaine.

 

La Marseillaise, écoutée debout, tête nue et exécutée par la fanfare, dont les divers morceaux interprétés, au cours de la cérémonie, ont soulignés la parfaite cohésion, termine la cérémonie à laquelle ont assisté en plus des personnalités, signalées par M. le maire dans son discours : les membres du conseil municipal de Ludes, sauf un, malade ; MM. Lallemant, maire de Puisieulx, Legros, maire, et Démoulin, de Chigny-les-Roses ; Menu, maire de Montbré ; M. Perseval, maire de Chamery ; Diot, maire de Champfleury ; Gaston Jacqueminet, maire et Matgollet, instituteur de Ville-en-Selve ; Guillaume, maire de Sillery ; Hans, maire de Villers-Allerand ; Gaston Hoche et Chauvet fils, de Rilly ; le capitaine Laurent du 41e bataillon malgache ; l'officier de complément Wutier (sous-lieutenant au 94e d'infanterie) de Chigny-les-Roses ; le maréchal des logis de gendarmerie Sonrier, délégué par le capitaine Agostini ; Henri Walbaum, de la maison Heidsieck ; l'adjoint de Verzy, etc…

 

Un vin d'honneur servi dans la cour de la maison Canard, et une promenade à travers la ville clôturent la journée. Avant de nous retirer, nous sommes heureux de pouvoir remercier de leur cordial accueil M. le maire et les conseillers-membres de la commission des fêtes : MM. Derobert, Forboteaux et Félix Quatresols, assistés des diligents commissaires MM. Jean Baronnet, Victor Canard, Germain Henri et Edmond Forboteaux.

 

16 août 1923

         Le conseil fixe la date des vendanges du 1er au 30 octobre 1923.

 

16 décembre 1923 – Journal « L’Echo de Paris »