L'ADMINISTRATION COMMUNALE ET LE DEROULEMENT DES EVENEMENTS.

 

         En 1789, la communauté est gérée par un syndic qui est l'égal de notre maire actuel. Il s'appelle Sébastien Louis. Sa tâche est de percevoir les fonds qui reviennent à la paroisse, par exemple les sommes dues par les tuiliers pour la location de terrains appartenant à ladite communauté, il paye en contrepartie toutes les charges qui incombent à la communauté : part sur les quittances et les rôles d'impôts, dépenses afférentes aux réparations des fontaines, de la maison d'école et au mur du cimetière, etc ...

         Une de ses premières tâches pendant la Révolution est en septembre 1789 de former une milice bourgeoise "pour veiller à la sûreté publique et détruire les brigandages qui se commettent" et d'acheter "douze fusils et douze baïonnettes, faire revenir de la poudre et le plomb nécessaire et donner à chaque bourgeois milicien une cocarde pour les distinguer des autres". Cette milice bourgeoise devient en juillet 1790 une milice nationale. Elle prête serment le 14 juillet 1790, jour de la fête de la Fédération à Paris, sous la halle avec à sa tête Mr Jacques Doublet. A cette occasion tous les ménages de Ludes reçoivent une somme de 20 sous, pour les " engager à prendre part à la joie commune que tout bon citoyen doit avoir pour le recouvrement de la liberté française". En septembre de cette année, elle se donne pour commandant en chef un homme qui "par ses talents militaires et ses autres vertus saurait commander et se faire respecter". D'une voix unanime, les citoyens nommèrent à cette fonction le Sieur Coquebert de Montfort, tout en le priant : "de continuer à donner à cette paroisse les mêmes bontés dont il l'a toujours honoré". Celui-ci prête serment le dimanche suivant, sous la halle au son du tambour. Il est frappant de constater à quel point nos concitoyens tenaient à leur seigneur, et le paysan, quoique misérable, n'avait que peu d'ardeurs révolutionnaires.

 

         En février 1790, 80 habitants assemblés, nomment pour maire Christophe Perthois, vigneron, pour procureur de la commune Jacques Haimart maréchal-ferrant, et 5 officiers municipaux et 12 notables qui sont en quelque sorte nos conseillers municipaux d'aujourd'hui. La tâche principale de cette assemblée est de procéder à l'estimation des biens de la municipalité, et de les diviser en sections. Ainsi les vignes, les terres et les bois sont divisés en trois sections (bonnes, médiocres, mauvaises). Il est intéressant de constater que  les meilleures vignes actuelles comme les Saint Mard, les Chemins d'Amis, le Nid d'Agace, les Corigniers ou le Clos Allard, étaient classées parmi les mauvaises vignes. Quelques mois plus tard, en septembre 1791, à chaque section ainsi délimitée, on accordera un revenu qui servira à établir la contribution foncière. On sait qu'une des principales revendications des paysans était l'imposition en fonction de la surface exploitée.

 

        En octobre, les habitants et la municipalité accompagnés de la garde nationale, entendent sous la halle le discours proclamant la Constitution Française.

             Le 13 novembre 1791 est ordonnée une nouvelle municipalité. Le maire qui en est issu s'appelle Jean Beuzart Coquot, tuilier, un procureur de la commune, trois officiers municipaux et six notables. C'est cette nouvelle formation qui achètera en décembre 1791, des hallebardes pour se prémunir contre les attaques de l'ennemi.

 

         En décembre 1792, re-nomination d'une nouvelle municipalité, Mr Nicolas Caqué en devient le maire. Elle a en février 1793, la douloureuse mission de procéder à la réquisition de quatre chevaux et d'une voiture à moisson qui serviront à l'armée de la république. Il y a 41 chevaux dans la commune, ils furent répartis en groupe de quatre sur des bulletins dont un fut tiré au sort. Mais là ne devait pas s'arrêter ses tragiques choix. En Mars elle doit fournir onze hommes entre 18 et 40 ans pour servir à la défense de la patrie. Un registre est ouvert pour que s'y inscrivent les volontaires, et s'il n'y a pas assez de volontaires, la commune est tenue de compléter la liste. Trois jours plus tard, le registre étant resté vide, elle procède "au complément par tirage au sort". Pas très volontaires nos concitoyens ! Le sort tomba sur les citoyens Claude Vivien, Claude Geny, François Menu, Henry Masselot, Jean-Baptiste Chamelot, Jean-Baptiste Mignon, Louis Raillet, Pierre Dumangin, Sébastien Adam, Thomas Feneuille et Jean-Baptiste Couture "qui doivent marcher à la défense de la Patrie".

 

         Le 23 mars elle réquisitionne encore trois chevaux et trois voitures, puis le 20 mai encore cinq voitures attelées de chacune quatre chevaux. Entre temps, le 12 mai elle forme une nouvelle garde nationale composée de 14 grenadiers, et deux compagnies dirigées pour la première par Adam Arnoult et pour la seconde par Louis Arnoult.

         La commune est donc en cette année 1793 fort éprouvée : onze hommes partie à la guerre, tous les chevaux réquisitionnés, les hommes qui restent sont tous affectés à la garde nationale ou dans une compagnie. Aussi le 3 juin, quand elle doit encore fournir les mulets, des armes et de l'argent, elle répond que "dans la commune il n'existe aucun citoyen qui puisse être réputé dans la classe des personnes riches et aisées, chacun d'eux vivant du produit de son travail et étant attaché à la culture des vignes qui ne leur ont rien produit depuis quatre ans".

 

         Le 10 août 1793, l'on fête le premier anniversaire de la chute de la royauté. "La messe a été célébrée au calvaire devant la halle, et avant que de sortir de l'église, le citoyen Lejeune, Curé, a entonné le Véni-Créator qui a été continué par le chœur jusqu'au lieu du reposoir. Aussitôt le Véni-Créator fini, on a commencé la messe et la messe étant finie il a été prononcé un discours par ledit Citoyen Lejeune Curé touchant la fête civique et la position où se trouvaient alors tous les braves citoyens de la République. Le discours a été agréablement reçu de tous les assistants aux acclamations de VIVE LA REPUBLIQUE çà ira, çà ira …

 

         Le 20 octobre, la municipalité forme un comité de surveillance de douze personnes. Une des dernières tâches en cette fin d'année 1793, mais sans doute pour elle, une des plus cruelles, est de saisir tous les objets servant au culte pour les envoyer à Reims. Nous sommes alors en pleine Terreur révolutionnaire. A Paris, Robespierre et ses amis montagnards, guillotinent Danton et les siens. Il faut remarquer que le texte faisant état de cette obligation n'est signé par aucun de nos concitoyens mais par Bezanson Guillaume administrateur du district de Reims. L'église de Ludes voit donc partir "trois calices, un de vermeil et deux d'argent, un soleil de vermeil, un grand ciboire d'argent, ... trois patènes, six grands chandeliers argentés, quatre autres petites croix et leur Christ, une lampe, une grande croix et son Christ, un banc de chandeliers, deux autres grandes lampes dont une argentée, un bénitier et deux chandelles, quatre autres chandeliers argentés, une croix son pied et son Christ aussi argenté, un encensoir et sa navette, trois reliquaires, huit autres chandeliers et une croix, un dôme servant aux fonds baptismaux, deux paix argentées, deux plats ovales et un autre petit rond et deux burettes de tout d'étain".

                           

         C'est le temps de la Terreur, des massacres en Vendée et de la reprise de Toulon aux Anglais par Bonaparte : dans notre village, la Loi ordonne à la municipalité et aux habitants de célébrer cet événement.

 

Voici le texte qui relata cette fête et qui nous donne une idée assez précise de ce qui se passa ce jour de 9 janvier 1794.

 

         "La fête qui a eu lieu le vingt, seconde décade de nivôse (9 janvier 1794), a été annoncée la veille par le son de la caisse et le jour de grand matin par le son de la cloche.

Les citoyens se sont réunis vers les neuf heures sur la grande place en face de la maison commune. De là, précédés par le tambour et par quatre citoyens montés à cheval et ouvrant la marche, ils se sont rendus au bas du village pour y prendre le char de la Liberté.

 

         Composition du char

Le char de la Liberté est garni de draps blancs, orné de guirlandes et de lierre sur lequel était placé la déesse vêtue de blanc, ne portant sur la tête qu'un mouchoir blanc orné d'un ruban tricolore et d'une couronne de lierre, et portant en main une pique surmontée du bonnet de la Liberté. La déesse était assise au milieu du char sur un siège élevé, plus bas et à ses côtés étaient placées huit jeunes filles de dis à douze ans également vêtues de blanc et portant une couronne de lierre sur la tête, vingt-quatre autres filles aussi en blanc entouraient aussi le char de la Liberté et portaient en main chacune une couronne civique.

         Ordre de la marche

La marche était ouverte par un commandant à cheval suivi de trois citoyens aussi à cheval marchant de front et armés de sabre.

Des deux côtés des chevaux, commençait la haie des citoyens portant des piques et après eux les citoyens portant des fusils, après les cavaliers suivait le tambour au milieu.

Ensuite un groupe de vieillards portant une bannière avec ces mots : NOUS ETIONS AVEUGLES.

Suivait ensuite un groupe d'enfants, l'espérance de la patrie avec leur bannière ou était inscrit ces mots : NOUS VOYONS CLAIR.

Après eux suivait un groupe figurant les défenseurs de la patrie avec une bannière portée par l'un d'eux. La bannière portait ces mots : DE MA FORCE ET DE MON SANG, J'AY VENGE MA PATRIE.

         Ensuite marchaient la municipalité, le comité de surveillance et la société populaire confondus les uns les autres en signe d'unité et de fraternité et marchant trois de front, ayant une bannière portant ces mots : LA RECLAMATION DE LA NATION EST JUSTE, JE SACRIFIERAI LE RESTE DE MES JOURS POUR LA DEFENDRE.

         Ensuite au milieu la musique.

Après le drapeau tricolore accompagné de quatre fusiliers, suivait le char de la Liberté précédé par deux rangs de filles marchant quatre de front et suivi de deux rangs de filles marchant quatre de front et huit autres filles marchant aux deux côtés du char. La déesse distribuait pendant toute la marche des petits pains aux enfants et aux pauvres les plus nécessiteux.

         Le cortège s'est rendu à l'arbre de la Liberté en traversant le village par les rues les plus larges, ayant à sa suite un buisson d'épines sur lequel étaient déposés les signes ci-devant royaux et une quantité de signes féodaux. La marche était fermée par un autre piquet de citoyens à cheval.

 

         Arrivés à l'arbre de la Liberté, les citoyens armés formaient un cercle autour, on dressa au pied de l'arbre qui avait été planté la veille avec toutes ses racines, le drapeau tricolore aux acclamations de tous les citoyens. Les présidents de la municipalité et du comité de surveillance prononcèrent chacun un discours analogue à la fête, après quoi le feu fut mis au bûcher sur lequel était déposé le buisson d'épines qui fut consumé avec tous les titres qu'il portait aux cris répétés de VIVE LA REPUBLIQUE. Après quoi les citoyens se sont donnés l'accolade fraternelle et burent à la même coupe.

 

         Les citoyens et citoyennes chantèrent pendant la marche et autour de l'arbre des hymnes à la Liberté, ils formèrent des danses autour de l'arbre et le reste de la journée sur les places publiques".

 

         Trois mois plus tard, le 20 germinal an second (9 avril 1794) il est ordonné suivant l'arrêté du Directoire du district de Reims de faire "une fête en réjouissance de la conspiration découverte à Paris et aussi faire lecture du décret du 14 frimaire au pied de l'arbre de la liberté et ensuite retourner au temple de la raison en chantant des hymnes à la liberté". Dans les campagnes le déroulement des événements suit rapidement les tragédies orchestrées à Paris par les grands hommes de la révolution.

 

         Pendant toute cette période nos citoyens ludéens sont toujours mis à contribution pour servir la patrie. Comme la nation a besoin de poudre pour ses canons, le 21 ventôse an 2 (11 mars 1794) deux citoyens sont nommés par la municipalité pour travailler aux salpêtres : ce sont Marc Renault et Louis Chardron qui sont désignés.

         Le 14 germinal (3 avril 1794) Laurent Villain, Jean Baptiste Coquot, Adam Arnoult et Claude Coquot sont chargés de faire le tour des familles pour "se procurer des chemises pour envoyer à nos frères d'armes". Le 19 floréal (8 mai) la commune doit fournir deux vaches pour l'armée. Ce sont les citoyens Coquebert de Montfort et Bruyant qui donnèrent ces deux précieux animaux.

 

         Mais en contrepartie la nation n'oublie pas ceux qui sont méritant, en particulier ceux qui sont aux armées. Ainsi la veuve Pierre Arnoult, âgée de 67 ans, couturière, qui a trois enfants "au service de la république", (deux à l'armée du midi et un du côté de la Vendée) se voit attribuer des deniers pour subvenir à ses besoins.

 

         Le 14 pluviôse an 3 (2 février 1795) ce sont les indigents de la commune qui reçoivent en tout 35 livres 9 sols de la part du trésorier du district de Reims.

Le 6 messidor an 2 (24 juin 1794) tous les chevaux de la commune sont recensés ce qui permet de savoir qu'il y avait à cette époque 45 chevaux servant à l'agriculture, 4 juments, 2 pouliches et 3 poulains.

         Pourtant, petit à petit et surtout après la chute de Robespierre le 9 thermidor an 2 (27 juillet 1794), les contraintes devinrent de moins en moins pesantes.

 

Qui dirigeait la municipalité pendant la terreur et jusqu'en 1799 ?

La charge en revint jusqu'au 18 juillet 1794 à Nicolas Caqué qui est dénommé comme agent municipal et celui-ci retrouve son appellation de maire le 30 messidor (18 juillet 1794). Il est assisté d'un secrétaire greffier qui est l'instituteur en l'occurrence Eugène Tatat. Celui-ci restera enseignant jusqu'en 1821 soit 50 années de service ! Il sera remplacé par Vincent Dzan (instituteur à Verzenay) qui prendra sa fonction d'instituteur à Ludes cette année-là.

Chaque mois est nommé un président pour tenir la séance.

 

         Nicolas Caqué est assisté depuis décembre 1792 par un procureur de la commune (Adam Jupin) par 5 officiers municipaux qui sont Alexandre Lejeune, prêtre (qui démissionnera le 20 septembre 1793), de Saintin Perthois, d'Adam Quatresols, de Jean Menu et de Pierre Michelet. Sont également nommés 12 notables.

         Auprès de l'agent municipal et de ses adjoints (officiers municipaux et notables) se trouve un comité de surveillance et la société populaire.

 

         Tous les hommes de 16 à 60 ans sont regroupés à partir de 1er janvier 1796 en deux compagnies de la garde nationale : la première compagnie est dirigée par Adam Doublet et la seconde par Adam Arnoult. Chaque compagnie, outre le capitaine, possède deux lieutenants, 3 sous-lieutenants, 5 sergents, 10 caporaux et 56 hommes pour la première compagnie et 39 pour la deuxième. Il y a aussi un tambour pour chacune et au total 139 hommes. Je pense que tous les hommes entre 16 et 60 ans font partie de cette garde nationale.

 

         Le 19 messidor (5 juillet 1795), une nouvelle municipalité est nommée avec à sa tête Christophe Perthois pour maire, puis en 1796 c'est au tour de Jean Baptiste Beaulieu, en 1797 Jacques Haimart et Christophe Bresse, en 1798 Sébastien Louis et en 1799 Adam Quatresols.

 

         Pour obéir aux ordres du Directoire et conformément à la loi du 18 pluviôse an 6 (1er février 1798) la commune organise le 30 ventôse (22 mars 1798) la fête de la souveraineté du peuple.

 

         La cérémonie se passa comme suit :

"Douze vieillards nommés se sont réunis sur les dix heures du matin au lieu fixé par nous pour la cérémonie, quatre jeunes gens de notre commune choisis par lesdits vieillards à la tête portant chacun l'écriteau ou bannière où était inscrit :

         1 La souveraineté du peuple réside essentiellement dans l'universalité des citoyens.

         2 L'universalité des citoyens français est souverain.

         3 Nul ne peut sans délégation légale exercer aucune autorité ni remplir aucune fonction publique.

         4 Les citoyens se rappelleront sans cesse que c'est de la sagesse des choix dans leur assemblée primaire que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la république.

 

         Après les vieillards, étaient placés les fonctionnaires publics, après eux l'instituteur et les élèves. Ensuite suivait la garde nationale accompagnée de deux tambours, de quatre violons et autres musiciens. Aussitôt rangé, la marche fut dirigée vers l'arbre de la liberté où était dressé l'autel de la patrie entouré de verdure.

 

         Le cortège étant arrivé, les bannières furent plantées sur deux côtés par les jeunes gens, ensuite les vieillards ont déposé leurs baguettes où il a été à l'instant formé un faisceau d'armes. Aussitôt les vieillards les plus anciens ont prononcé la phrase portée à l'article 9 et ensuite le principal fonctionnaire public prononce celle portée en l'article 10, ensuite les vieillards et les jeunes gens se sont réunis en danse".

 

         L'année 1799 voit l'abbé Lejeune disparaître et arriver l'abbé Mathieu Hanrot comme ministre du culte catholique. La garde nationale est aussi réorganisée mais possède toujours deux compagnies et 153 hommes au total.

         Pendant ce temps, le 18 brumaire an 7 (9 novembre 1799) à Paris, un certain Bonaparte s'empare du pouvoir grâce à son coup d'état ...